https://doi.org/10.57988/crig-2368
Augustin
Mapendo NDALIKO et Yves Coppieters[1]
Résumé
Notre étude s’était déroulée dans une unité nutritionnelle thérapeutique intensive
(UNTI) universitaire en Province du Nord-Kivu en RDC. L’objectif est d’évaluer
la prise en charge intégrée de la malnutrition aigue
chez les enfants de 0 à 5ans dans une unité UNTI en fonction de l’âge, du sexe,
de la provenance de l’enfant (milieu urbain ou milieu rural) et de la durée de
traitement nutritionnel.
Etude de cohorte rétrospective prenant tous les enfants suivis
au cours des 3ans.
Les paramètres utilisés étaient la moyenne et sa déviation standard ou la
médiane (Me) et de son intervalle interquartile (percentile 25 ou P25,
percentile 75 ou P75). Le test Chi² de Pearson a été utilisé et les risques
relatifs (RR) estimés avec leurs intervalles de confiance à 95%. Le test
d’appétit avait été évalué par la consommation de l’aliment thérapeutique prêt
à l’emploi(ATPE) et sa sensibilité et sa spécificité obtenue grâce à une
stratification des enfants sortis sans œdèmes.
La proportion des enfants sortis avec appétit et sans œdèmes
est de 95.1% soit 392 sur les 428 admis (RR= 2.54 avec test exact de Fisher
sans valeur nulle), et parmi eux 194 avaient un périmètre brachial supérieur à 120mm avec
appétit soit 45.3%. La durée du traitement dépend de l’âge du patient (droite
de régression linéaire). Les enfants de sexe masculin sont plus affectés la
malnutrition aigue sévère que les autres (p-valeur
<0.001) et le milieu rural a une influence sur la durée du traitement. L’âge
médian des enfants était de 21mois (P25
à 15 et P75 à 34).
L’efficacité du traitement nutritionnel à
l’UNTI universitaire a été démontrée : 95,4% d’enfants sortis guéris. Le protocole
national envisage 75%. Les cliniques universitaires inclus des soins spécialisés car cette UNTI
appartient au département de Pédiatrie. La malnutrition aigue
sévère s’était plus observée chez les garçons des milieux ruraux vus le
problème de diversification alimentaire. Le test par la consommation avec
appétit de l’aliment thérapeutique prêt
à l’emploi (ATPE) avait été très sensible mais très peu spécifique. Pour les
UNTI, il faut donc un autre test.
Mots clés : Unité nutritionnelle thérapeutique
intensive(UNTI), Prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë(PCIMA),
Unité Nutritionnelle Thérapeutique Ambulatoire(UNTA).
Abstract
Severe
malnutrition affects about 2 million children under five and is associated with
1 to 2 million deaths that could be prevented each year. Malnutrition is
responsible for half (45%) of deaths of children under five (Robert et al.,
2013: 427-451).
Retrospective
cohort study taking all the children followed during the 3 years. The
parameters used were the mean and its standard deviation or median (Me) and
interquartile range (percentile 25 or P25, percentile 75 or P75). The Pearson
Chi² test was used and the relative risks (RRs) estimated with their 95%
confidence intervals. The appetite test was evaluated by the consumption of the
ready-to-use therapeutic food (RUTF) and its sensitivity and specificity
obtained through a stratification of children released without edema.
The proportion of
children discharged with appetite and without edema is 95.1% or 392 of the 428
admitted (RR = 2.54 with Fisher's exact test without a null value), and among
them 194 had a MUAC greater than 120mm with appetite either 45.3%. The duration
of the treatment depends on the age of the patient (linear regression line).
Male children are more affected by severe acute malnutrition than others
(p-value <0.001) and the rural environment has an influence on the duration
of treatment. The median age of the children was 21 months (P25 to 15 and P75
to 34).
The effectiveness
of nutritional treatment at UNTI University has been demonstrated: 95.4% of
children have been cured. The national protocol envisages 75%. University
clinics include specialized care because this UNTI belongs to the Department of
Pediatrics. Severe acute malnutrition was more apparent in rural boys than in
the dietary diversification problem. The appetite consumption test of the
ready-to-use therapeutic food (RUTF) had been very sensitive but very
non-specific. For UNTI, we need another test.
Key words: Intensive Therapeutic Nutritional Unit (UNTI), Integrated Management of Acute Malnutrition (PCIMA), Ambulatory Therapeutic Nutritional Unit (UNTA).
Introduction
O |
n observe encore une
prévalence de la sous-nutrition chez les enfants de moins de 5 ans vivant dans
les pays à ressources limitées (Goossens S., 2012). La sous-nutrition
peut se présenter sous forme de retard
de croissance intra-utérin de faiblesse de poids à la naissance, de retard de
croissance staturale, ou tout simplement en malnutrition aigue.
Sur base de l’indice poids/taille(PPT),
du périmètre brachial (PB) et de la présence d’œdèmes bilatéraux, on définit
deux niveaux de sévérité de la
malnutrition aigue : La malnutrition aigue modérée (MAM) et la malnutrition aigue
sévère (MAS). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’utiliser les
seuils PPT < 3 écarts-types aux normes
OMS 2006 et PBR < 115mm ou la présence d’un œdème bilatéral pour définir la
MAS. La MAS comprend 3 formes cliniques : le marasme, le kwashiorkor et la forme
mixte dite marasmique. La
MAS est la forme de sous-nutrition associée à un risque de décès à court terme, le plus élevé (Goossens S., 2012). La
prise en charge de la MAS se fait dans les centres de réhabilitation
nutritionnelle (Ibidem).
Il est connu que la MAS
est associée à une gravité accrue des maladies infectieuses courantes et que le
décès des enfants atteints de MAS survient presque toujours à la suite d'une
infection (Robert et al., 2008 : 243-260). La
malnutrition est responsable de près de la moitié (45%) de tous les décès
d'enfants de moins de cinq ans, selon une
étude publiée dans le cadre de la
série Lancet sur la nutrition maternelle et infantile. Et les résultats montrent que la malnutrition a été responsable d'environ 3,1
million de décès d'enfants de moins de cinq ans en 2011 (Robert et al.,
2013 : 427-451). Dans certains pays
en développement, ces décès liés à la malnutrition infantile affectent plus de
70% d'enfants de moins 5 ans (OMS et UNICEF, 2001 : 32).
Les garçons souffrent
plus fréquemment d’émaciation que les filles (9 % contre 7 %). Le niveau de malnutrition
aiguë varie selon le milieu de résidence : 5 % en milieu urbain et 9 % en
milieu rural, d’après les enquêtes démographiques et de santé RDC.
En République
démocratique du Congo (RDC), la MAS constitue aussi un problème de santé
publique tel que l’ont montré les enquêtes démographiques et de santé (EDS) et Enquêtes
à indicateurs multiples (MICS) successivement. Les enfants courent un grand risque de
mortalité si des mesures appropriées et efficientes de prise en charge ne sont
pas rapidement entreprises en leur faveur.
La ville de Butembo
n’est pas épargnée par ce fléau et la situation est devenue plus grave à
cause de la persistance des conflits armés et la présence des groupes armés
dans les villages. Cette situation empêche une grande partie de la population
de vaquer à ses occupations habituelles et plonge celle-ci dans une situation
d’insécurité alimentaire chronique. Le PRONANUT, service spécialisé du Ministère
de la Santé Publique pour la prévention et la lutte contre les pathologies nutritionnelles,
recommande la prise en charge de la MAS selon l’approche de prise en charge
communautaire de la malnutrition aigue (PCIMA) en
collaboration avec ses partenaires UNICEF, PAM, OMS, ACF, Validinternational.
La PCIMA intègre 3
composantes : la composante communautaire -mobilisation et participation
communautaire en vue du dépistage précoce en communauté des cas de MAS-, la
composante prise en charge ambulatoire -les CAS de MAS sans complications- et la composante prise en charge hospitalière
-courte hospitalisation pour les de MAS avec complications pour stabilisation
avant la continuation du traitement en ambulatoire- (Pronatut,
2012). En RDC les unités de prise en charge de la MAS avec complications sont
appelées unités nutritionnelles thérapeutiques intensives(UNTI) (Ibidem). Notre
étude se déroule au sein de l’UNTI des cliniques universitaires de l’Université
Catholique du Graben en Province du Nord-Kivu en RDC. Cette unité dessert tous
les coins des deux territoires de Lubero et de Beni.
L’objectif de ce travail est de décrire la performance de cette UNTI.
Dans ce travail, nous
voulons savoir quel est l’apport d’une unité nutritionnelle thérapeutique
intensif de l’Université dans la prise en charge intégrée de la malnutrition
aigüe en comparant l’état nutritionnel à l’entrée et à la sortie en fonction
des critères classiques de sortie dans une UNTI. Il s’agissait d’apprécier
l’issue nutritionnelle selon l’âge, le
sexe, la provenance de l’enfant en milieu urbain ou milieu rural et la durée de
traitement nutritionnel.
1.
Méthodologie
1.1.
Milieu d’étude.
Ce travail a été mené
dans l’Unité Nutritionnelle Thérapeutique Intensive (UNTI) appelée Centre Nutritionnel
Giorgio Cerruto. Le Centre
Nutritionnel Giorgio Cerruto faisant partie du service de pédiatrie des
cliniques universitaires de l’UCG fait et sert d’UNTI pour la Zone
de Santé de Butembo-Ville qui compte 5
UNT et 4 UNS. Son personnel était constitué d’un pédiatre et d’une infirmière
formée en PCIMA. La zone de santé a une population de 430000
habitants dont 65000 enfants de moins de 5 ans. La prévalence de la MAS y est
de 3,2%. L’unité reçoit aussi des enfants transférés d’autres zones de
santé.
1.2.
Type d’étude et sujets.
Sur base du registre du
service, nous avions rétrospectivement analysé les données des enfants admis à
l’UNITI de janvier 2016 à décembre 2018.
Toutes ces données étaient soigneusement transcrites dans des registres
conçus pour cette fin et gardées au Service de Nutrition Thérapeutique
Intensive. C’est dans ces documents que nous avions récolté les données après
des séances de travail avec le Chef de Service.
Les critères de l’OMS pour MAS avec complications étaient utilisés pour
l’admission (Birundu et al., 2015 : 268-277).
Les critères d’admissions
pour ces enfants en UNTI sont :
-
avoir des complications médicales ou
le manque d’appétit et un indice poids pour taille < -3 z-score ou un
périmètre brachial < 115 mm ou encore la présence d’œdèmes bilatéraux ;
-
présence des œdèmes bilatéraux avec
un périmètre brachial <115 mm ou avec un indice poids pour taille <-3
Les critères de guérison
pour la sortie étaient :
-
ne pas présenter de complications
médicales et bon appétit ;
-
ne pas présenter d’œdèmes bilatéraux ;
-
avoir un périmètre brachial supérieur
à 120mm
-
présentr
un indice poids pour taille ≥ -1,5
Les critères de
contre-référence d’UNTI vers l’UNTA sont :
-
ne pas présenter des complications
médicales et bon appétit
-
ne pas présenter d’œdèmes ou amorce
de leur fonte.
1.3.
Variables
La variable dépendante est l’état de santé de l’enfant à la sortie. Les variables indépendantes d’intérêt pour notre
étude étaient : l’âge, le sexe, le poids, la taille, le périmètre
brachial, la provenance ou le milieu de vie de l’enfant, la présence ou pas
d’œdèmes, l’appétit et la durée de traitement. L’âge a été vérifié sur un document administratif ou sanitaire -certificat
médical de naissance, fiche de consultation préscolaire, fiche de suivi
individuel en UNTA-.
En cas de non
disponibilité de ce document, un calendrier préétabli d’événements locaux a été
employé pour aider la mère de l’enfant à préciser la date de naissance de ce
dernier. La provenance, soit le milieu où vit l’enfant, a été catégorisée en Zones
de Santé de la Ville de Butembo et en dehors des Zones de Santé de la Ville. La
mesure du poids
et de la taille était réalisée par deux
personnels formés et
qualifiés en
matière de PCIMA, séparément puis en comparant. Le poids était mesuré grâce à
la balance Salter et la balance uniscale. La taille,
quant à elle, était mesurée grâce à la toise. La mesure du poids et de la
taille avaient permis de calculer l’indice poids pour taille (PPT) pour déterminer
la malnutrition aiguë ou l’émaciation, indice étant exprimé en « Z-score » qui
représente un écart de la mesure de l’enfant par rapport à la médiane de
référence divisée par l’écart-type de référence OMS (Pronanut,
2012 : 22).
1.4.
Le test d’appétit
Ce test avait été évalué
sur base de la consommation de l’aliment thérapeutique prêt à l’emploi (ATPE) (Ibidem).
A l’admission certains enfants passaient des examens de laboratoire : le
taux d’hémoglobine, la numération formule sanguine, les selles, le culot
urinaire, etc. Nous n’avons pas voulu les prendre en compte dans cette étude, car
nous n’avions pas eu les outils nécessaires pour évaluer les compétences des
techniciens de laboratoire ainsi que la qualité des équipements et matériels
utilisés, dans le souci d’obtenir des données fiables.
1.5.
Méthodologie statistique
Pour décrire
l'échantillon, les paramètres utilisés étaient la moyenne et sa déviation
standard, si la distribution est normale ou symétrique ou la médiane (Me) et
son intervalle interquartile (percentile 25 ou P25, percentile 75 ou P75) si la
distribution est non symétrique, et le pourcentage (%). Les variables
catégorisées ont été :
-
l’âge : 0-12mois,13-24mois,
25mois et plus ;
-
le périmètre brachial à
l’entrée : <115mm et ≥115mm ;
-
le périmètre brachial à la
sortie : <115mm, 115-120mm et >120mm ;
-
la durée de traitement :
≤15jours et >15jours.
Dans l'analyse de tables
de contingence, le test Chi² de Pearson a été utilisé pour tester l'égalité de
deux proportions d'échantillons indépendants. Les risques relatifs (RR) ont été
estimés et leurs intervalles de confiance à 95% (IC95%) ont été calculés pour mesurer la force de
l'association entre les variables indépendantes
considérées et l’état de santé des enfants sortis en fonction de la
présence ou pas d’œdèmes, du périmètre brachial et du
test d’appétit. La droite de régression
linéaire a été utilisée pour mesurer la force d'association entre deux
variables quantitatives. La stratification des enfants sortis sans œdèmes nous
avait permis de calculer la sensibilité et la spécificité du test d’appétit
pour le périmètre brachial ainsi que les valeurs prédictives positive et
négative.
Le seuil de
signification choisi était de 0,05 pour toutes les analyses. Pour analyser nos
données nous avons utilisé le logiciel EPI INFO version 3.5.4.
2. Résultats
Au total, l’UNTI des
cliniques universitaires du Graben avait reçu pendant les 3 dernières années 514 enfants de moins de 5 ans avec malnutrition. Pour notre étude, 86 cas ont été exclus pour
dossiers incomplets, pour doutes dans la prise des mesures anthropométriques soit
encore pour décès car les mesures de sortie n’ayant plus été prises -constat
fait par nous lors de l’enquête-. L’échantillon total est ainsi composé de 428
sujets âgés de moins de cinq ans.
Comment se distribuent
les paramètres observés à l’entrée chez les enfants admis pour malnutrition aigue sévère aux cliniques universitaires du Graben ?
Le tableau subséquent en dit long.
Tableau 1.
Caractéristiques cliniques et provenance des enfants (Source :
Centre nutritionnel Giorgio Cerruto de l’UCG).
VARIABES |
N(428) |
% |
Moyenne (DS) ou Médiane (P25– P75) |
|||
Age 0-12mois 13-24mois 25mois et plus |
50 236 142 |
11,7% 55,1% 33,2% |
|
|||
Sexe Masculin Féminin |
264 164 |
61,7% 38,3% |
|
|||
Provenance Milieu rural Milieu urbain |
245 183 |
57,2% 42,8% |
|
|||
Poids moyen à l’entrée |
- |
- |
7,12 (2,21) |
|||
Poids moyen à la sortie |
- |
- |
8,45 (2,21) |
|||
Périmètre brachial à l’entrée <115mm ≥115mm |
375 53 |
87,6% 12,4% |
111,00 (6,70) |
|||
Périmètre brachial à la sortie <115mm 115-120mm >120mm |
51 169 208 |
11,9% 39,5% 48,6% |
118,21 (4,94) |
|||
Œdèmes à l’entrée Présents Absents |
316 112 |
73,8% 26,2% |
|
|||
Œdèmes à la sortie Présents Absents |
21 407 |
4,9% 95,1% |
|
|||
Taille moyenne des
enfants |
- |
- |
74,48 (12,8) |
|||
Appétit Absent Bon |
17 411 |
4,0% 96,0% |
|
|||
Durée de traitement ≤15jours >15jours |
172 256 |
40,2% 59,8% |
21,00 (9,78) |
Cette étude comprenait
428 enfants dont l’âge moyen était de
21mois, et la fréquence élevée a été observée dans le sexe masculin avec 61,7%
contre 38,3% chez les filles. En moyenne, le poids à l’entrée était de 7,12Kg
et le poids à la sortie de 8,45Kg soit
une augmentation de 1,33Kg ou 1330grammes pour une durée de traitement de 21
jours.
De même, le périmètre
brachial moyen est passé de 111mm à l’entrée à
118mm à la sortie soit un gain de 7mm pour les 21jours ou 0,3mm/jour. La
proportion des enfants avec œdèmes est passée de 73,8% à 4,9%. Quatre pourcents
des enfants n’ont pas eu l’appétit.
Ici, la question est de
savoir si la durée de traitement peut être dépendante du milieu d’origine de
l’enfant, de son sexe, du périmètre brachial à l’entrée et des œdèmes à
l’entrée. Le recours au tableau le montre mieux.
Tableau 2.Association
entre provenance, sexe, périmètre brachial, œdèmes a
l’entrée en fonction de la durée de
traitement (Source : Centre nutritionnel Giorgio Cerruto
de l’UCG)
|
% Durée >15jours |
RR (IC 95%) |
p-Valeur |
Milieu rural (n=209) urbain (n= 47) |
85,5 25,7 |
3,3 (2,6-4,3) 1 |
<0,001 |
Sexe Masculin (n=181) Féminin (n=75) |
68,6 45,7 |
1,5 (1,2-1,8) 1 |
<0,001 |
PBR<115 (n=215) PBR≥115 (n=41) |
57,3 77,4 |
0,7 (0,6-0,8) 1 |
<0,05 |
Œdèmes à l’entrée Présents (n=201) Absents (55) |
63,6 49,1 |
1,3 (1,1-1,6) 1 |
<0,05 |
Les enfants en
provenance du milieu rural ont 3,3 fois le risque d’avoir un long traitement,
soit supérieur à 15 jours (p-valeur <0,001). Etant les plus nombreux (68,6%),
les enfants de sexe masculin ont 1,5 fois plus de risque d’avoir plus de 15
jours de traitement. Pour le périmètre brachial, le risque relatif (RR) est
significativement inférieur à 1a borne supérieur <1. Cela signifie qu’il existe
un risque moindre d’avoir un traitement long même si l’enfant a un périmètre inférieur à 115mm
(p-valeur <0,05). Les enfants entrés avec œdèmes ont 1,3 fois plus de risque
d’être traités pendant plus de 15 jours (p-valeur<0,05). La corrélation
entre l’âge des enfants et la durée de traitement donne lieu au graphique où se
visualise la droite de régression ci-dessous.
Graphique n°1 :
Corrélation entre l’âge des enfants et la durée de traitement
Source : Analyse EpiInfo
Nous présentons ici la prédilection
entre les variables âge et durée de traitement. Sur l’axe des abscisses (X), la
durée de traitement et l’âge sur l’axe des ordonnés(Y). Les sujets en étude se
rangent autour de la droite et l’allure nous donne une idée sur l’évolution de
la durée de traitement en fonction de l’âge. La durée du traitement
augmenterait avec l’âge de l’enfant malnutri. Néanmoins il y a eu, selon la
position des sujets par rapport à cette droite, certains enfants qui n’ont pas
subi cette influence.
Tableau 3. Association
périmètre brachial en fonction de présence d’appétit des sortis sans œdèmes (Source : Centre nutritionnel
Giorgio Cerruto de l’UCG).
|
PERIMETRE BRACHIAL |
TOTAL |
|
>120mm |
≤120 |
||
TESTD’APPETIT+ |
194 (97,5%) |
198 (95,2%) |
392 |
TEST D’APPETIT- |
5 (2,5%) |
10 (4,8%) |
15 |
TOTAL |
199 |
208 |
407 |
Il s’agit ici d’évaluer
le test qui est la recherche de l’appétit par l’ATPE. Comme expliqué ci haut,
le test est positif quand l’appétit est là et négatif quand celui-ci est
absent. Les proportions présentées ont été obtenues en colonnes.
Sensibilité du
test=194/199=0,975, c’est-à-dire que parmi les enfants qui sortent avec un
périmètre brachial supérieur à 120 mm, 97,5% ont l’appétit : en d’autres
termes, la capacité pour le test ATPE à détecter les enfants malnutris qui
évolueront bien par la nutrition thérapeutique intensive est de 97,5%.
Spécificité du test = 10/208
= 0,048, soit 4,8% d’enfants qui n’ont pas d’appétit parmi ceux qui sortent
avec un périmètre brachial inférieur à 120mm : la capacité pour le test
ATPE de détecter les enfants qui n’atteindront pas un périmètre brachial de
120mm par la nutrition thérapeutique intensive est de 4,8%
Valeur prédictive
positive = 194/392 = 0,495 veut dire que parmi les enfants qui sortent avec un
périmètre supérieur à 120 mm,soit 49,5%, ont l’appétit
Valeur prédictive
négative = 10/15 = 0,666 veut dire que parmi les enfants qui sortent avec un
périmètre brachial inférieur ou égal à 120 mm, soit 66,6%, n’ont pas d’appétit.
Efficience du test = 194+10/407
= 5.
Tableau 4. Le manque
d’appétit comme risque de sortie avec œdèmes (Centre nutritionnel Giorgio Cerruto de l’UCG)
Présence d’œdème |
Absence d’œdème |
TOTAL |
|
Absence
d’appétit |
2 (9,5%) |
15 (3,7%) |
17 |
Présence
d’appétit |
19 (90,5%) |
392 (96,3%) |
411 |
TOTAL |
21 |
407 |
428 |
.
RR = 2,54 mais avec
p-valeur = 0,18˃0,05. Tout de même un des éléments du tableau est
inférieur à 5. Ceci dit qu’on doit plutôt
utiliser le test exact de Fisher. Ce dernier n’ayant pas donnée une
valeur nulle, on conclut que la distribution observée n’est pas due au hasard.
Il existe donc une différence significative entre les pourcentages
comparés : l’absence d’appétit expose l’enfant à demeurer avec des œdèmes
à la sortie ; soit les enfants sans appétit possèdent 2,54 fois plus de
chance de sortir avec œdèmes que les autres.
3. Discussion
Dans cette étude il
s’agissait :
a) d’évaluer la prise en
charge de la malnutrition des enfants de 0 à 5 ans à l’UNTI de l’Université
Catholique du Graben en 5 ans par l’état
de santé des
enfants lors de la sortie par rapport à
leur état à l’entrée, et ce, en fonction des critères classiques de sortie dans
une UNTI ;
b) de voir comment se
présentent les variables âge, sexe, provenance de l’enfant en milieu urbain ou en
milieu rural et la durée de traitement nutritionnel thérapeutique intensif à
l’UNTI des cliniques universitaires de l’Université catholique du Graben.
Notre enquête montre que
le sexe masculin est le plus touché par la malnutrition aiguë sévère comme rapporté par Engebretsen
et al. (2008), Wamani et al. (2007) et
Semba et al. (2008 : 322-328). Cette association entre le sexe
masculin et l’état nutritionnel pourrait, selon certains auteurs, être liée à
une vulnérabilité plus importante chez le garçon (Wamani
et al., 2007) que chez la fille dans un environnement
socio-économiquement défavorisé comme celui de la ville de Butembo et environs
où notre étude a été menée. Par contre, Joseph Birunduet
all (2015 : 268-277) ont trouvé dans leur étude que c’est plutôt le sexe
féminin qui est le plus touché (59% des filles contre 41% des garçons). Notons
que leur étude s’inscrivait dans le cadre d’un programme de santé publique
visant la protection de la femme, le nombre des enfants de sexe féminin serait
par conséquent supérieur à celui des garçons.
Dans la même étude le
gain pondéral moyen était de 1,03 Kg pour une durée moyenne de traitement de 86
jours, tandis que le gain pondéral journalier était de 13,06 grammes. Dans
notre étude, le gain pondéral moyen était de 1,33 Kg, ce qui se rapproche mais
avec une durée moyenne de traitement de 21 jours et le gain pondéral journalier
de 9 grammes. La différence de gain journalier s’explique par la différence
dans les durées de traitement. Cependant, l’OMS estime qu'un gain pondéral
journalier de 10 à 15 g/kg par jour est acceptable (Sall
et al., 2000 : 525-527).
L’âge médian des enfants
était de 21 mois avec les percentiles 25 à 15 mois et le percentile 75 à 34 -distribution
asymétrique- proche de celui obtenu par l'étude de Sall
et alii en 1999, à Dakar, au Sénégal avec un âge médian de 19,11 mois. La
prédominance de cette tranche est retrouvée dans la littérature aussi dans une
étude menée à Bukavu en RDC où la classe
d'âge de 0 à 23 mois était la plus affectée par la malnutrition et représentait
plus de la moitié de l'échantillon (Mbusa et al., 2016 : 139). La prédominance de
cette tranche d'âge est retrouvée par d'autres auteurs (Sall
et al., 2000 : 525-527, Mouko et al.,
2007 : 1113-1114). C'est pendant
cette période qu'intervient le sevrage associé le plus souvent à une
alimentation de complément, inadaptée dans nos régions des pays à revenu
faible. Aussi le gain pondéral des enfants sortis à l’UNTI de l’Université
Catholique du Graben est-il plus élevé que celui obtenu par Sall
et alii en 1999, à Dakar (7,64 g/kg/
jour).
En qui concerne le gain du périmètre brachial, les enfants ont eu 0,3mm/jour
contre 0,14mm dans l’étude menée par Joseph Birundu et ses
collaborateurs(Birundu et al., 2015 : 268-277).
Dans leur étude, le périmètre à l’admission était celui qui est inférieur à 125
mm : à ce niveau (autour de 120mm) l’enfant a déjà acquis l’essentiel, et
son organisme n’est plus au stade de reconstruction rapide comme chez les
enfants avec périmètre inférieur à 115 mm.
Le test d’appétit a été négatif dans 4% des cas soit
17 sur 428 enfants admis, tandis que 96% ont eu l’appétit. Ce résultat a un
lien direct avec l’issue positive plus essentiellement
observée. Chez l’enfant malnutri sévère, les complications majeures conduisent
souvent à une perte de l’appétit qui traduit un trouble métabolique important.
L’appétit est donc un des critères les plus importants en vue d’orienter les
patients vers une prise en charge ambulatoire ou hospitalière (Pronanut, 2012 : 22).
Nous avons trouvé que
les enfants en provenance du milieu rural sont plus nombreux que ceux provenant
du milieu urbain et avaient une durée de traitement plus longue avec un RR de 3,3
(2,6-4,3) et P-valeur significative <0,001. La plupart des cas de
malnutrition s’observent en milieu rural selon les différents rapports de l’OMS
(OMS, 2005). Cette situation serait probablement due à un manque d’éducation
des populations rurales sur l’alimentation de tout petits, au niveau
socioéconomique bas, à l’insécurité perpétrée par les groupes armés dans
certains villages, obligeant les parents à se déplacer continuellement.
La capacité pour le test
ATPE de détecter les enfants malnutris qui évoluaient bien a été de 97,5% et
pour ceux qui n’atteignent pas le périmètre brachial voulu de 121 mm est de 4,8%.
Cela montre que ce n’est pas le seul test à appliquer pour ce genre de
traitement thérapeutique. Surtout pour les hôpitaux soit les UNTI, il est moins
spécifique. La recherche d’un autre test reste donc importante.
Le test d’appétit a été
négatif dans 4% des cas, soit 17 sur 428 enfants admis tandis que 96% ont eu
l’appétit. Ce résultat a un lien direct avec l’issue positive observée. Chez
l’enfant malnutri sévère, les complications majeures conduisent souvent à une
perte de l’appétit qui traduit un trouble métabolique important. L’appétit est
donc un des critères les plus importants en vue d’orienter les patients vers
une prise en charge ambulatoire ou hospitalière (Pronanut,
2012 : 22).
Conclusion
En dessous de 5 ans, la
malnutrition aiguë touche d’abord les garçons entre 12 et 24 mois, qui
proviennent surtout des milieux ruraux avec une mauvaise diversification
alimentaire. Concernant le niveau atteint par les enfants pour être remis aux
centres de santé soit de l’UNTI à l’UNTA, 392 soit 95,4% ont eu les critères de
sortie en vue d’une contre-référence. Donc le traitement aux cliniques
universitaires a été efficace à 95,4% contre le maximum de 75 % demandé par le
protocole national de nutrition du Ministère de la Santé Publique de la
République Démocratique du Congo (Engebretsen et al.,
2008). Parmi ces 392 enfants, 49,5% ont même été remis simplement à la
communauté -dans leurs familles- et 50,5% aux centres de santé. Le 4,6% restant
avaient été soumis à un traitement particulier vu les lourdes complications
médicales qu’ils présentaient. Et
pour ce, la prévention contre le VIH-Sida chez ces enfants doit être menée car
d'autres études (Amadi et al., 2001 : 550-554 et
Chunkhuba et aL,
2008 : 639-644) ont montré que la mortalité était plus importante chez les
enfants malnutris infectés au VIH. Ces derniers souffraient entre autres de la diarrhée
persistante, de la pneumonie, des infections dermatologiques étendues et de
candidose buccale ; toutes ces affections contribuaient à un taux de
mortalité plus élevé et à une évolution moins favorable à la prise en charge (Ibidem).
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[1] Augustin Mapendo Ndaliko est
enseignant à l’Université Catholique du Graben (UCG)Faculté de
Médecine/département de Santé publique, Butembo, RD Congo ; tandis qu’Yves
Coppieters est Professeur à l’Ecole de santé publique à l’Université Libre de
Bruxelles (ULB) en Belgique.